Aux Aresquiers, sur cette langue de terre située entre canal et étang, les premières constructions sont apparues au milieu du XIXe siècle : des cabanes pour les pêcheurs, mais aussi pour les chasseurs et les viticulteurs. Des arrêtés préfectoraux puis des conventions établies par les services gestionnaires de l’État ont permis au fil du temps la transformation de ces cabanes implantées sur le domaine public en de véritables maisonnettes. L’État a d’ailleurs indemnisé certains propriétaires à l’issue de la guerre pour reconstruire les habitations détruites par les Allemands. Ces constructions, mentionnées au cadastre appartiennent bien aux habitants mais aucun n’est propriétaire du terrain où elles sont bâties. Pourtant, tous s’acquittent depuis toujours des taxes foncières et des taxes d’habitation et, pendant longtemps, de redevances auprès du service des VNF (voies navigables de France) qui signait avec eux une convention d’occupation temporaire. Il s’est avéré par la suite que ce service n’était pas habilité à le faire car les terrains ne sont pas sur le domaine public fluvial mais sur le domaine privé de l’État.
Certainement suite aux 29 victimes de la submersion marine de La Faute-sur-Mer, en Vendée, par la tempête Xynthia en février 2010, la préfecture de l’Hérault ordonne en 2014 aux habitants des Aresquiers de quitter les lieux alors qu’il était enfin question de vendre aux habitants les parcelles sur lesquelles sont construites les maisons – comme cela s’est déjà fait pour les autres « cabaniers » situés en amont et en aval de la zone des Aresquiers. La trentaine de propriétaires regroupés en association s’indigne contre cette décision administrative qui confisque leur bien sans aucune indemnisation. Pire l’État leur demande de détruire leurs maisons à leurs frais. Certains y vivent toute l’année, d’autres n’y séjournent que quelques mois. Mais aucun ne veut renoncer aux Aresquiers où certains y sont nés ou d’autres viennent y passer leurs vacances depuis de nombreuses générations. Ils dénoncent tous une mesure inhumaine, violente et totalement injustifiée et même un acharnement de l’État car ce lieu n’a jamais connu d’inondation. La seule montée des eaux date de 1982. Une vingtaine de centimètres d’eau recouvrait le chemin sans endommager les maisons.
Depuis 2014, l’État et les habitants des Aresquiers, soutenus par la commune de Frontignan, se livrent à une bataille où la justice a, tour à tour, donné raison à l’un et à l’autre. En 2016, les occupants attaquent au tribunal administratif la demande d’expulsion demandée par la préfecture de l’Hérault en 2014 après avoir sollicité des recours gracieux. Les occupants des Aresquiers perdent mais font appel en 2017 à la cour administrative d’appel de Marseille. Celle-ci arrête en mai 2019 que le secteur des Cabanes des Arequiers se trouve sur le domaine privé de l’État et annule en conséquence le jugement du tribunal administratif de Montpellier. Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation, il est donc devenu définitif. En novembre 2019, l’État, représenté par le préfet de l’Hérault, a assigné en justice les occupants des lieux en sollicitant le juge des référés pour leur expulsion afin de faire cesser le trouble à l’ordre public et prévenir le risque de submersion marine. En octobre 2020, la décision tombe : l’État a été débouté de sa demande d’expulsion en urgence des habitants des Aresquiers par le juge de référés. Une première victoire pour les habitants mais l’État a fait appel dans la foulée. En juillet 2021 l’Etat a de nouveau été débouté car la cour d’Appel de Montpellier confirme le rejet de la procédure d’expulsion engagée par la préfecture de l’Hérault contre les « cabaniers ». Un soulagement pour la trentaine d’habitants de ce quartier pittoresque de Frontignan.
Document sonore, témoignages des habitants :
Dossier PDF :